Chagrin D’Amour

CHAGRIN D’AMOUR

 

Réédition vinyle du premier album (1982)

On a les années 80 qu’on mérite !

Si la décennie a été maudite pour le rock, elle a de beaux restes sur le plan des musiques qu’on découvrait alors, la new wave et le hip-hop en tête. Certes, à l’origine, tout ça déboulait d’Angleterre et des USA, mais quelque part, Chagrin d’Amour aussi. Amorcée à Paris au milieu des 70s, « Chacun fait (c’qui lui plaît) », composée par Gérard Presgurvic, a d’abord failli être un film à New York où son auteur, Philippe Bourgoin, a croisé Valli, étudiante en cinéma. Le projet a capoté, mais l’Américaine a traversé l’Atlantique et c’est dans un studio parisien que le morceau a pris la forme irrésistible qu’on lui connaît : celle d’un duo rappé en français par Grégory Ken (à la voix hot) et Valli (à l’accent frenchy craquant et au flow décomplexé).

Tube phénoménal à sa sortie en 45 tours fin 1981, « Chacun fait (c’qui lui plaît) » va être suivi d’un premier album tout autant inspiré par The Clash, Blondie ou Talking Heads, aux textes farouchement déjantés mis en musique par Slim Pezin.

Car en vérité, le single est un peu l’arbre qui allait cacher la forêt Chagrin d’Amour. Une terrible jungle plutôt. En effet, une des particularités du disque est d’être ouvert à toutes les brises de son époque, de ne rien se refuser. Du disco tribal (« Eden-Nouba ») à celui chapardé à Nile Rodgers (« Au Paradis », en tout bien tout honneur…) en passant par le reggae chic (« Sainte Nitouge »), l’electro bath (« Blonde platine »), le funky rap hystérique (« Bonjour (V’là les nouvelles) »), la ballade gainsbourienne avec saxo sensuel peut-être tombée dans l’oreille de Biolay (« Projet Manhattan »), le rock lourd pour rire avec une sucrette au milieu (la suite « Vendredi 13 », « Rêve 9 », « Samedi 14 »), la grooverie pas bête et encore moins méchante (« Jacques a dit sic : “ ») et le bordel franc du déhanché (« Plus près de toi, nan nan si si, accidentellement »), il y a là tout ce qu’il faut pour danser avec l’air intelligent. Et si l’orchestration est impeccable et n’a pas pris une ride (la basse slappée, les cocottes funky, les accords plaqués, tout Daft Punk…), Chagrin d’amour brille également – et d’un éclat toujours inégalé – de la prose enflammée, vénéneuse et un poil surréaliste de Bourgoin, un des meilleurs paroliers de ce côté-là de l’Atlantique (comme en attestent aussi « Fais le waou waou » ou « SS »). Certes, ses vers sont servis sur un plateau par Ken, un vocaliste qui, même dans la tempête, entretenait un certain flegme, et aurait certainement chanté jusqu’au bout, une allumette entre les dents, s’il avait embarqué sur le Titanic. Quant à Valli, à l’instar de Birkin, sans le préméditer et dès cet enregistrement, elle fera de son accent charmant une marque de fabrique qu’elle mettra à profit l’espace d’une carrière solo trop vite interrompue, puis à la radio.

Alors pas de regrets, pas de coche loupé, pas de rattrapage de temps perdu. En 2019, à l’heure où la meilleure musique est celle qui ne renie pas ses origines et s’en sert pour pousser plus loin tous les bouchons, le premier album de Chagrin d’Amour (et sa pochette signée Richard Avedon), est devenu aussi culte que son premier single magique, et toujours top moderne ! C’est donc, sans conteste, la réédition française de l’année.

Vous avez des frissons ? Chagrin d’Amour autorise à monter le son.

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Laurent Levy

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